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Statuts juridiques à l'installation S’installer en société ou en individuel : quel est le moins cher ?

S’installer en société coûte 1,88 fois plus cher qu’en individuel.

Si les avantages de s'installer en société, en termes de partage du travail, des investissements, des responsabilités, etc., sont bien connus, son coût par rapport à celui d'une installation en individuel est plus rarement évoqué. Dans le Puy-de-Dôme, une comparaison a été faite à partir des dossiers JA de 2007 à 2022. Verdict ?

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Combien ça coûte de s'installer en agricultureen société ? Moins ou plus cher qu'en individuel ? Ces questions sont peu abordées, « il n’y a aucune statistique publique à ce sujet et ces coûts sont souvent surévalués », pointe Philippe Jeanneaux, directeur adjoint de l’UMR (unité mixte de recherche) Territoires à VetAgro Sup Clermont-Ferrand, lors d'une conférence organisée au Sommet de l'élevage sur l'installation agricole sociétaire.

2 fois plus d'installations sociétaires

Pour y répondre, les dossiers JA des archives de la DDT du Puy-de-Dôme de 2007 à 2022 ont été épluchés. « Ce qui couvre deux programmations Pac », fait-il remarquer. 404 jeunes agriculteurs se sont installés en individuel et un peu plus du double en société : 847. Les coûts de reprise d’exploitation et les investissements post-installation sur 4 ans ont été comparés.

Investissements : du simple au double

Résultats… En moyenne, investissements compris, s’installer en société coûte 1,88 fois plus cher qu’en individuel : 332 000 € versus 176 000 €. La reprise revient à 86 000 € contre 67 000 € (x 0,28), et les investissements à quatre ans 246 000 € comparé à 109 000 € (x 1,25). Ce sont donc principalement les sommes investies qui diffèrent, presque du simple au double. « Souvent, en société, les projets peuvent être financés plus rapidement », explique le chercheur.

En ramenant ces montants au travailleur – 121 000 et 100 000 € respectivement, l’écart se réduit : x 1,21. Alors le coût des reprises respectives n’est plus que de 208 000 € et 167 000 €, une différence de 41 000 € (x 1,25).

Des prêts pesant autant dans les deux cas

Logiquement, les prêts consentis pour la reprise sont plus élevés, + 12 000 € (23 %) : 65 500 € environ sont empruntés. Ceux réalisés pour investir dans les quatre ans sont nettement plus hauts en société : 167 000 €, soit + 93 000 € (126 %). Intéressant de signaler néanmoins que leur poids dans le coût de reprise n’est pas si différent : 80 vs 76 % pour la reprise proprement dite et 67 % pour les investissements effectués après.

À noter : la dotation jeune agriculteur est, elle, 1,10 fois supérieure (près de 31 000 € en moyenne, + 2 700 €). Lorsqu’il s’est associé en Gaec en hors cadre familial dans le Cantal (100 VL, 1,2 Ml de lait, 150 ha), Anthony Bacquié, venu témoigner, a repris 63 000 € de parts sociales, « à leur valeur nominale au moment où la société avait été créée, soit l’équivalent de la DJA et des aides allouées par la Région », détaille-t-il.

Reprises en société : le prix des plus chères grimpe

En se focalisant sur les installations sociétaires, de 2007/2008 à 2021/2022, les moins coûteuses ont tendance à l’être de moins en moins (elles ont baissé de 23 000 €), contrairement aux plus chères dont le prix monte (de quasiment 170 000 € !), « le différentiel entre les extrêmes se creusant de plus en plus », complète Philippe Jeanneaux. À l’UTH, la diminution est plus forte (25 000 €) et la hausse bien moindre (82 000 €). Les reprises, proprement dites, diminuent de 23 000 € pour les moins onéreuses et augmentent de 96 000 € pour les plus hauts niveaux de prix. Les investissements progressent dans les deux cas, assez fortement dans le deuxième : de 8 000 € et 154 000 €.

Principal avantage : le partage

Cette étude locale comparative ne doit pas faire oublier les avantages de l'installation agricole en société : partage du travail, des investissements, des bénéfices, des responsabilités, des risques avec des réflexions et des prises de décisions à plusieurs, permettant de discuter des projets et visions stratégiques, aussi bien techniques qu’économiques, pour les sécuriser. « Partager aussi les joies comme les déceptions. Seul, on garde tout pour soi, ce n’est jamais bon », ajoute Christelle Bonnefoy, agricultrice à Vesc dans la Drôme (production de lait et lentilles vertes) et membre du bureau de Gaec&Sociétés.

Partager les joies et les peines.

C’est pour des problématiques de revenu et de temps de travail qu’Anthony Bacquié a choisi, en 2020, de s'associer avec des tiers. Aujourd’hui, il dispose « d’un week-end de libre sur deux, de deux semaines de congés payés par an, de journées par-ci par-là pour ses responsabilités professionnelles et de temps pour ses loisirs, la natation entre autres, comme les deux autres associés du Gaec de Lhermet-Chausy.

« L’objectif est de se rapprocher le plus possible du reste de la société, nos conjointes exerçant un emploi en dehors de la ferme. C’est plus facile à faire quand on a été salarié avant », indique Anthony qui déplore que la charge de travail soit peu prise en compte dans les dossiers d’installation. « Des exploitants, qui s’enferment dans le boulot jusqu’à se dégoûter de leur passion, on en voit régulièrement », insiste le jeune homme, également vice-président de Jeunes Agriculteurs du Cantal.

Parler rémunération et prévoir des plans B

En trois ans, deux membres de la société ont été remplacés par des jeunes. L’occasion de « remettre à plat la gestion des ressources humaines » et pour cela, la structure a fait appel à l’appui RH d’une personne extérieure. « Il faut parler organisation du travail, rémunération et prévoir des plans B en cas de difficultés financières », appuie Christelle. « Les relations humaines se cultivent comme un champ et s’entretiennent comme du matériel », illustre-t-elle joliment.

« Il faut bien faire la différence entre associé et salarié, tant pour la société qui cherche à recruter que pour la personne qui veut s’installer, ce n’est pas la même chose », met-elle également en avant. « Au-delà des motivations fiscales et financières, il faut la volonté de travailler en groupe sinon ça ne fonctionnera pas », alerte-t-elle. S'il y a autant de chefs d’exploitation que d’associés, chacun a généralement ses préférences et spécialités, voire est responsable d’un atelier, même si les autres participent aux grandes décisions le concernant.

Les relations humaines se cultivent comme un champ.
Elles s’entretiennent comme du matériel.

Prédominance des Gaec

Malgré ces atouts, « bien des candidats à l’installation demeurent réticents, craignant de devoir mettre les pieds dans les bottes du cédant et de ne pas pouvoir mettre en place de projets qui leur soient propres », nuance Victoria Guttilla, juriste en droit des sociétés agricoles et chargée de mission chez Gaec&Sociétés. 33 % des exploitations sont sous statut sociétaire en Auvergne-Rhône-Alpes (contre 41,6 % à l’échelle nationale, + 19 % en 20 ans), ce qui représente 58 % des emplois agricoles. Entre 2010 et 2020, date du dernier recensement agricole, le pourcentage de fermes en société a progressé de 12 points dans la région.

La crainte surtout : mettre les pieds, pile, dans les bottes du cédants.

Si toutes les formes juridiques sont concernées, cette progression profite surtout aux Gaec, dont la part est passée de 9 à 16 % (contre 6 à 11 % pour les autres, et 7,5 à 11 % sur l’ensemble du pays). En termes d’emploi, ils comptent pour 30 % des ETP (équivalents temps plein), soit + 10 points en 10 ans, loin devant les EARL, SA, SARL, SAS, SCEA, Scop, groupements de fait, non dotés de la personnalité morale, etc., qui se situent entre 11 et 17 %, et qui n’ont connu qu’une faible progression.

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